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Les chasseurs d’images sont des photographes, des vidéastes, des passionnés de la nature, des admirateurs des animaux. Des amoureux des paysages et des milieux naturels. Ils captent le réel et l’animal souvent de manière cachée, toujours de façon attentive. Ils se déplacent à la découverte sachant que le temps n’est pas le même que dans la modernité écrasante. Ils ont les boitiers de photographie comme outils et la patience comme façon de faire. Ils se calent sur le temps naturel, sur le temps du vivant. Ils ne cherchent pas à s’imposer ou à imposer mais à bien capter pour mieux sublimer. Une forme saine de capture. Une mise sous cadre du beau et du sublime. Une forme de préservation de l’éphémère pour le rendre mieux durable. Un processus souvent personnel. Un processus qui amène les créateurs et créatifs à partager leurs images. À les diffuser au plus grand nombre. Tout l’inverse de la chasse avec arme ?

1 — Cette arme vaut mieux qu’une autre :

L’appareil photo est une arme. Il est une façon de s’exprimer et une manière de montrer la vie. Comme toute forme artistique, c’est une belle façon de dire le monde. Avec quels objectifs? Provoquer des prises de conscience? Des émotions? Convaincre? Séduire? Sensibiliser? Faire découvrir ou étudier? Un peu de tout cela à la fois. Ce qui est certain c’est que l’appareil photo est une arme qui ne tue pas. C’est par ailleurs un moyen pour éduquer, pour élever l’esprit et sa propre sensibilité au monde. L’appareil photo, comme la caméra, ne détruit pas et ne saccage pas. C’est un outil qui ne cause pas d’accidents, qui ne met pas en danger, qui ne laisse pas de dégâts dans un écosystème déjà très fragile. Vouloir, à ce jour, interdir totalement la chasse armée est impossible. Nous pouvons, par contre, nous interroger sur des pratiques de chasse, sur les temps consacrés, sur la chasse à courre qui n’a vraiment plus de bon sens aujourd’hui, quand les limites fixées par les lois ne sont pas respectées. Quand cette chasse empiète trop sur des zones habitées. Quand elle fait preuve de cruauté et qu’une très large partie de la population ne la souhaite pas. Certains chasseurs ont même déjà posé le fusil pour prendre l’appareil photo. Je préfère donc faire à l’inverse la promotion de ces chasseurs d’images, ces défenseurs et amoureux de la nature et du vivant. Les articles sur le sujet sont nombreux, les images par le développement de nouveaux médias sociaux sont en expansion. Parler de ce sujet, c’est devenu un de mes combats !

2 — Suspendre le temps :

La part de hasard, de non-maîtrise est présente. L’objectif de photographier, de capturer dans l’appareil est seulement un point de départ car ce qui compte vraiment c’est le chemin. Ce qui compte c’est l’expérience. Ce qui compte c’est le cheminement. Des façons de faire qui demandent du temps. La photographie que je pratique depuis tout jeune est une activité que j’affectionne. Elle demande de cadrer, de faire des choix, de se positionner. Elle demande d’accepter aussi la part de non-maîtrise. La part d’inconnu, de hasard et de chance. Surtout en milieu naturel et dans des conditions que nous ne contrôlons pas !

Laurent Baheux (1) est un photographe professionnel qui nous offre à voir des images en noir et blanc d’une pureté éclatante. Les contrastes nous plongent comme dans des rêves. Le temps suspendu, le temps arrêté nous fait ressentir les mouvements des animaux: une panthère en saut, des plumes se déployant, des oiseaux en vol, un renard au repos, un insecte avançant! Les liens entre animaux sont capturés: liens de famille, de rencontres. Même, peut-on dire, d’amitiés. Car les animaux se croisent, communiquent, se retrouvent puis se laissent, pour mieux se recroiser. L’humain regarde parfois cela comme un inconnu entrant dans une maison qui n’est pas la sienne. La photographie, les films tournées en slow motion, nous permettent de voir cette beauté universelle. Dans des films les images prises de loin mettent le focus sur un détail, sur un regard, sur un mouvement. Le ralenti permet d’étirer le temps pour observer des détails, une autre expérience que dans la vie vraie. Ces liens capturés sont le reflet de ce qu’éprouve la faune. Difficile de caler nos émotions directement sur ceux des animaux, mais il y a bien de l’amour dans les regards, dans les gestes. Car l’amour n’a pas d’espèce, de race, de couleur, de grandeur ou de forme. Il est universel comme la nature est ce qu’elle est. La nature et ses composantes ne jugent pas. La nature ne préjuge pas, elle se montre telle qu’elle est.

3 — Capter la beauté du vivant, dans l’expérience de l’instant :

Prendre le temps, s’adapter, observer, composer avec l’environnement.

Claudy Guiot (2), photographe de nature défini deux façons de photographier : « Pour photographier les animaux sauvages dans le milieu naturel, il y a deux façons de procéder : L’approche, méthode active, qui consiste à se déplacer dans la nature à la recherche des animaux convoités et l’affût, méthode passive, qui consiste à se cacher à poste fixe et attendre le passage des animaux. Les deux méthodes ont leurs avantages et inconvénients et sont complémentaires l’une de l’autre. »

Les photographes sont nombreux à livrer au quotidien des témoignages sur les réseaux sociaux. Yohann Berry, photographe en milieu naturel s’est retrouvé en 2022 face à deux cerfs, immortalisant l’instant et le partageant aux yeux de tous. « Une puissance, une leçon » pour le chasseur d’images.

Didier Parisot (3), photographe amateur livre aussi son récit sur facebook en ce mois d’octobre: « Après plus de 2 ans à parcourir ses territoires dans l’espoir de l’apercevoir, ce jour restera gravé en moi à jamais » Le photographe partage à tous son moment de rencontre avec un lynx dans le massif du Jura. Un contact direct avec l’animal, au statut protégé. Un moment d’émotions. Sentiment viscéral, franc qui fait sans doute appel à notre part animale, à notre part d’humanité. Un moment qui nous ramène à notre condition d’être vivant qui doit évoluer humblement au milieu d’un écosystème très fragile. Cet écosystème est un vrai trésor à sanctuariser.

Chaque photographe possède sa pratique, son regard, sa personnalité pour aller à la rencontre du vivant. Chaque photographe vit un moment unique. Chaque femme, chaque homme se retrouvant devant une scène vivante ne peut que se sentir humble, certains même replongent en enfance. C’est autant la scène qui est photographiée que le moment vécu. L’émerveillement de voir la vie évoluer devant soi. Effacement aussi face au respectable de ce monde. La difficulté d’immortaliser un tel instant est aussi le sel de la pratique. Le piment même! C’est le plaisir de ramener un trophée. Mais un trophée qui n’a pas ôté la vie. Qui n’a pas fait de mal, qui n’a pas fait verser le sang, qui n’a pas bousculé, qui n’a rien enlevé. Un trophée qui n’a fait que rajouter une image à cette grande bibliothèque des témoins des espaces, des temps d’hier et de demain, du temps des animaux et du temps naturel. Brut, brutal mais tellement authentique !

Baptiste Vasseur

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Références :

1. https://www.laurentbaheux.com

2. https://claudyguiot.com

3. https://www.facebook.com/didier.parisot.98

Photo illustration : David Selbert — pexels