« Presser quelqu’un comme un citron », cette expression bien connue qui signifie exploiter une personne pour en extraire le meilleur. Puis le jeter. La France courageuse, cette France du travail, cette France de l’engagement, de l’innovation et de la prise de risque est, depuis de nombreuses années pressée. Au point d’être aujourd’hui à un cheveu de la rupture. Une rupture qui se rapproche si nous continuons à jouer avec ses limites et son point de basculement.
La crise financière de 2007–2008, la période des gilets jaunes et plus récemment la pandémie de la Covid, puis la guerre en Ukraine et toutes ses conséquences; augmenter des prix, bouleversements politiques en Europe et inquiétudes collectives des peuples. Toutes ces périodes, toutes ces chicanes ont été fatales pour de nombreux projets et de nombreuses entreprises. Toutes ces périodes ont été vécues directement par la France Courageuse. À l’initiative parfois pour crier un-ras-le-bol, pour protester, pour demander justice, pour crier des angoisses légitimes. Victimes trop souvent car elle n’a pas ce qu’il faut pour résister aux séismes. Normal me direz-vous! France courageuse = première victime. En première ligne face à la brutalité de ce monde. Face aussi aux injustices sociales. La France courageuse, je l’affirme depuis longtemps est la France du travail, celle qui se lève tôt, celle qui travaille la nuit, celle qui crée une entreprise, qui ose, qui innove! Or, depuis très longtemps cette France silencieuse a été mise de côté. Elle s’exprime pourtant depuis longtemps dans les manifestations, lors de réunions, lors des rassemblements. Elle sait se rassembler, elle pense coopératif, elle porte des valeurs, elle ose les manières nouvelles, elle respecte. Elle souhaite simplement être mieux protégée, comme tout un chacun ! Elle a subi de plein fouet l’Ubérisation de notre société, car les nouveaux travailleurs des plateformes sont devenus les nouveaux ouvriers du monde modernes, sans projection véritable. Les solopreneurs comme tous les entrepreneurs à taille humaine subissent aussi de plein fouet l’augmentation des coûts de l’énergie comme de l’essence. Les artisans ne peuvent répercuter toutes les augmentations, prenant sur leurs marges et réduisant alors leurs revenus. Les petits commerçants indépendants sont inquiets. Des boulangeries ferment, des bars, des restaurants aussi dans des territoires souvent ruraux. Les crises successives sont des coups de poignards violents. La défense des petits doit être une priorité. Chaque crise doit nous engager à la remise en question, chaque crise doit être une opportunité pour exprimer plus de justice, plus de solidarité. Est-ce le cas ? J’en doute !
Le blocage de certains prix, ceux de première nécessité, la revalorisation du SMIC comme la taxation des superprofits pour un grand nombre de grandes entreprises apparaissent comme de bon sens et légitimes à appliquer. Les grandes structures, les grands modèles, en temps de crise encore plus, doivent être solidaires. Elles ne doivent pas s’extraire d’une entraide nécessaire et demandée. En temps de tempête, tous les acteurs, toutes les forces vives, grandes ou petites doivent avoir conscience d’être dans un même bateau. La disparition de petits citrons, trop fragiles pour résister aux bouleversements qui ne doivent pas se faire avaler ou mis à la poubelle par les plus gros. En temps de crise, on doit protéger, sanctuariser, mettre en sécurité. Dans les périodes de crise, les sentiments d’injustices grandissent. Ils grandissent car les situations vécues et vues le font dire, à juste titre. Les petits disparaissent ou luttent alors que d’autres, souvent très gros profitent des situations. Les Gros deviennent plus gros, les mince s’amincissent encore plus ! Certains sont armées, d’autres n’ont ni les moyens financier, ni la structure, ni les outils pour lutter.
Au-delà de mesures pour augmenter le pouvoir d’achat, il faut permettre à cette France du travail, qui agit et qui mouille le maillot comme un sportif sur un terrain de pouvoir vivre dignement. Le pouvoir de vivre dignement, le véritable pouvoir qui disparaît quand le citron est trop pressé. Et quand la dignité disparaît, l’énergie s’en va et l’espoir s’envole.
Une réponse peut venir de la jeunesse. Les jeunes vont débarquer dans les prochains mois et années sur le marché de travail avec des principes et des revendications affirmées. En recherche de sens et de valeurs dans leur projet et dans leur entreprise, ils attendent un équilibre et un bien-vivre plus important qu’hier dans leur activité professionnelle. Cette donnée est une réponse directe aux différentes crises. Car les crises laissent voir aux yeux de chacun l’essentiel. Elles bousculent nos habitudes c’est certain, elles fracturent également la société, elles divisent même des familles, elles isolent, elles font changer. Elles font en même temps nous recentrer sur nous-même (La période liée à Covid a déclenché des conséquences fortes) pour faire un point sur nos vies. Pour faire un état des lieux du sens que nous voulons donner à notre avenir. Les jeunes savent ce qu’ils souhaitent et ne souhaitent pas. Il y a des aspects de nos vies négociables, d’autres le sont pas ! Les concessions et les impositions sont trop déjà trop grandes dans notre monde moderne, plusieurs générations ne souhaitent donc pas en ajouter plus. Ce qui est voulu : garder l’essentiel, la maîtrise de notre destin. Le choix de son avenir, la France courageuse est sensible à cela. Elle ne ferme pas les yeux car elle connaît les difficultés de la vie, elle est lucide et regarde les problèmes en face. Cette France courageuse va toujours de l’avant, elle met un pied après l’autre sur un chemin semé d’embuches, de pièges et de surprises. Elle ne doit surtout pas être trop pressée. Elle doit surtout être mieux protégée.
Baptiste Vasseur
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Photo illustration : Toa Heftiba