Assis sur un banc, dans un parc, un homme âgé regarde les gens passer, les enfants s’amuser. Face à lui se tient fièrement un vieil arbre. L’homme le fixe voulant connaître ses pensées. Mais l’arbre ne laisse rien voir. Ses feuilles s’agitent simplement par un petit vent. Son tronc marqué par le temps, immobile et solide, il ne laisse rien transparaître.
Les deux se regardent sans se parler, ils s’observent sans oser s’importuner. Les deux ont des marques du temps, des cicatrices liées à des souffrances; chacun sur sa peau des taches liées aux années qui se sont enchainées. Des rides, des imperfections. Le vieil arbre est surement plus âgé, mais ne peut l’exprimer. L’homme possède la parole mais l’utilise moins désormais. La sagesse a pris le pas sur la flamboyance. Peut-être, des fois n’ose-t-il pas s’exprimer de peur de passer pour un autre.
Les enfants girent tout près mais tel un monarque en fin de règle sur son trône il ne fait qu’observer toute cette vie s’agiter. Les couples passent, les travailleurs pressés accélèrent le pas. L’homme et l’arbre contemplent toute cette vie, voulant prolonger encore un petit plus la leur. La vitalité est ce que nous voulons tous, la vie rallongée est un cadeau pas toujours livré. L’homme sait que l’arbre lui survivra. Que son temps est compté. L’arbre, lui, est enfermé dans un temps plus long. Telle une pierre, telle une rivière, l’arbre est condamné à vivre plus longtemps sans pouvoir l’exprimer. Sans pouvoir rien raconter.
Les jeunes filles et garçons s’amusent et l’un d’entre eux semble intéressé par le regard de l’homme porté sur l’arbre. L’homme lui fait un signe de la main, l’enfant s’approche et s’assoie. L’arbre, fier, se rendant admirable face à l’enfant veut faire bonne impression. L’homme sentant l’intérêt et la curiosité de l’enfant lui raconte alors des histoires sur l’arbre. Sur les saisons et sur le temps qui passe. Sur ses feuilles d’aujourd’hui, celles tombées, celles d’hier et celles de demain.
Voilà comment se transmet la passion pour la nature, voilà comment un arbre peut nous rassembler. L’arbre dignement se fige, ses feuilles ne frémissent pas de peur de déranger. Il sait que deux générations parlent de lui et que d’autres après eux espèrent déjà qu’il siégera encore là.
Voilà comment mon grand-père m’a appris à aimer la nature, à la respecter. Par l’observation, par le regard porté avec bienveillance. Par le respect, par l’admiration, par l’étonnement très souvent. Regarder sans juger, c’est déjà une belle manière de considérer et d’accepter ce qui est.
Baptiste Vasseur
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Photo illustration : Antoine Perier / unsplash