En ce mois d’octobre, l’actualité politique française possède des aspects de série tv. Chaque jour est un nouvel épisode avec son lot de surprises, de rebondissements et de polémiques. Une série dans laquelle chaque épisode met en avant un protagoniste qui se fait malmener médiatiquement ou suscite des réactions suite à des actions commises. Actions qui scandalisent fortement, pour beaucoup, à juste titre. Chaque jour est une nouvelle partie d’un feuilleton qui dévoile des secrets. Les coulisses de rapport de forces, les alliances et les désunions. La Nupes, le rassemblement de certaines forces de gauche pour les élections législatives 2022 ne fait pas exception à ce climat et devient à son tour une victime blessée. Peu blessée pour certains, à l’agonie pour d’autres ! La Nupes a cherché pendant plusieurs mois à attirer toute l’attention sur elle. Pari réussi. Mais les conséquences négatives sont multiples et sont perceptibles aujourd’hui. Parmi elles, des acteurs politiques, souvent élus, qui montent au créneau pour affirmer des positions jusqu’ici inaudibles ou passées sous silence.
Dans mon précédent article (Nupes, fissures inévitables) j’étais revenu sur les premiers dégâts visibles de tous de cette union de circonstance. J’ai rappelé ma vision sur le sujet: cet ensemble peu homogène est destiné à disparaitre et à s’effriter au fur et à mesure que les années passeront. Peut-être plus tôt que prévu. La théorie voudrait que cela ne soit pas le cas, que tous trouveront en cette Nupes un socle très solide et des fondations pérennes pour remporter d’autres échéances. La problématique est que la maison a été bâtie sans fondations indestructibles, sans structure claire et sans assise inébranlable. Dans une dernière étude IFOP publié à l’occasion de la Fête de l’humanité publiée en septembre 2022, la désunion inévitable est pointée du doigt: 73% des français considèrent que la NUPES est une coalition électorale amenée dans le futur à se désunir et même à disparaitre.
JL Mélenchon, pyromane de la Nupes :
Dans une dernière prise de parole, le leader des insoumis s’exprime une nouvelle fois par l’outrance qu’on lui connaît déjà. Ce n’est pas nouveau. Celles et ceux qui font les étonnés et présents à l’intérieur de l’union savaient déjà depuis le départ de cette aventure collective le caractère du patron de LFI. Celui-ci a du mal avec le calme, les paroles tempérées et nuancées. « En comparant la marche de la Nupes du 16 octobre avec celles des 5 et 6 octobre 1789, Jean-Luc Mélenchon s’est attiré les foudres non seulement de la majorité mais aussi des socialistes, dont le premier d’entre eux, Olivier Faure. » ( liberation.fr ).
Mélenchon est devenu celui qui cristallise tout ce qui n’est pas acceptable et accepté dans la Nupes. Il est devenu, au fil des mois et par des attitudes clivantes celui qui risque de faire chavirer le navire. Beaucoup l’ont compris, nombreux sont ceux qui n’osent pas encore parler. Peur de faire acte de rébellion ? Les tweets de JL Mélenchon, défendant un député Lfi reconnaissant une violence sur son épouse ont laissé des traces, plus profondes que nous pouvons le penser. Mélenchon semble ne pas être intéressé par les actions déclenchées et les réactions suscitées, trop occupé à récolter ses propres fruits des sorties médiatiques. Il adopte alors une position connue et reconnue: diviser pour mieux régner. Mais l’opinion publique n’est pas dupe, elle comprend que des comportements laissent voir une mauvaise image de cette Nouvelle union populaire. Plusieurs députés accusés, impliqués dans des excès portant à la vue de tous une mauvaise image de la gauche. Une mauvaise perception de la gauche. Selon un sondage Odoxa et Backbone pour Le Figaro, le constat est sans appel: 64% des Français pensent que les derniers incidents ont «décrédibilisé l’ensemble» de cette alliance. Ils sont 52% à gauche à le penser. Majoritaire donc ! L’étude va plus loin en démontrant que 63% des Français considèrent que cette alliance ne se préoccupe pas «des grandes questions qui traversent la société» et 59% d’entre eux estiment que cette gauche unie «ne serait pas à la hauteur pour diriger la France». (figaro.fr)
En capitalisant uniquement sur le faire-parler, sur la notoriété, sur les prises de parole clivantes, sur le buzz, sur la petite phrase et sur le court terme, la Nupes est devenue une machine à se décrédibiliser, entrainant avec elles les forces qui la composent. Comme dit dans le précédent article déjà, l’espace au centre-gauche est un espace laissé libre pour toutes celles et tous ceux qui veulent défendre une autre politique comme une autre façon de pratiquer la parole publique. Le sondage de Odoxa et Backbone pointe le sujet majeur et la crainte majeure d’élus: la gauche unie est t’elle mieux perçue pour diriger la France ? Visiblement pas !
Les coups de sang, les coups de pub, les interventions sur les plateaux tv ne suffiront pas à réduire l’hémorragie car les divisions au sein des partis sont nombreuses. Les divisions à l’intérieur de la Nupes aussi. Le prochain congrès le Ps donnera le ton, la soumission ou la reprise en main par une vision crédible, sérieux et responsable. Car si les français sont de moins en moins enchantés de se rendre aux urnes, c’est que le niveau en politique comme des débats n’a fait que baisser au fil des ans. La gauche et le centre-gauche possèdent une occasion de devenir la figure sérieuse de la gauche afin de la redresser jusqu’aux plus hautes responsabilités. Le mépris affiché pour F Roussel, chef de file des communistes démontre également les différences de visons, de stratégie au coeur de la Nupes. En juin dernier il affirmait que « L’alliance de la Nupes n’a pas permis d’obtenir une majorité. L’alliance ne parle qu’à une partie de la France, celle des villes et non celle de la ruralité. »
Dans un contexte international tendu et dans une situation en France faites de difficultés pour de nombreux français à l’approche de l’hiver, la gauche porte une responsabilité: celle d’embrasser les enjeux actuels et de demain. Dans une société où se creusent les inégalités, il devient urgent de renouer avec l’espérance par la construction de programmes et de solutions ancrés dans le réel. Le logement, le pouvoir d’achat, le travail, l’énergie, l’alimentation de qualité pour tous sont certains de ces enjeux qui doivent passer à la machine du « trouver des solutions efficaces pour les françaises et les français. » Une piste de départ est sans doute une volonté de partir des territoires et des élus locaux comme de tous les acteurs qui agissent au niveau local. Celles et ceux qui sont au contact direct. La gauche porte cette responsabilité, avec humilité et courage : être en permanence au plus proche des situations réelle. C’est ce que beaucoup appellent la gauche du réel !
Voyons donc dans ces mots un nouvel élan possible: celui d’une vraie ouverture vers la vie réelle, vers les territoires reculés, vers les villes de sous-préfecture, vers les campagnes et les champs. Un élan tourné vers les problèmes réels et les solutions efficaces. C’est peut-être de cela que partira le sursaut républicain et démocrate pour faire émerger un nouveau front: celui des citoyens, élus et responsables politiques agissant chaque jour dans les départements de France, avec une vision tout autre que ceux qui courent de plateaux tv en plateaux tv afin de distiller leurs messages destructeurs.
Baptiste Vasseur
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Photo illustration: Jachan Devol